Je suis agréablement surprise que mon dernier article aie eu autant d’écho. Cela a généré de l’intérêt et a déchaîné certaines fureurs, qui ont le mérite de me faire sourire par endroits. Qu’à cela ne tienne… Lorsqu’on écrit, et qu’on publie, toutes les réactions sont bonnes à prendre même si certaines peuvent être violentes.

Mon billet a fait resurgir un éternel débat, celui qui, si je puis me permettre, «  oppose » la diaspora et les personnes restées en Afrique. Mais je suis encore plus flattée qu’autant de gens aient pris le soin de parcourir mes lignes. C’est ce à quoi aspire tout blogueur.

Hier et avant-hier, j’ai eu à la fois des propositions d’interview suite à ce billet mais aussi droit à l’intervention d’un député de l’Assemblée nationale guinéenne, qui sans doute surpris, a tenu à venir « en parler avec moi » et discuter de ces expériences qui m’ont amenée à « dédaigner un retour immédiat ». C’était touchant et flatteur, je n’ai pas encore eu l’opportunité ni le temps de répondre aux demandes d’interviews, mais suite à ces événements, j’ai pris le parti de rédiger un second billet, sur le même sujet. C’est quelque chose que je ne fais jamais en règle générale, une fois que les choses sont dites (et écrites) et que je les assume pleinement, je ne reviens pas dessus, je ne cherche pas à convaincre. Chacun est libre d’avoir sa propre opinion, n’est-ce pas là l’avantage de la liberté d’expression ? Ceci dit, suite aux incompréhensions, j’ai pris le parti d’un Round 2. Peut-être pourrais-je donner plus de détails et plus d’arguments.

Avant de m’épancher, je tiens à préciser que tous ceux qui me connaissent un tant soit peu, savent que je ne rentre jamais dans des débats passionnés sur les réseaux sociaux, je ne réponds ni aux insultes ni aux attaques, encore moins aux interprétations biaisées et fallacieuses.  Eh oui, être blogueuse depuis trois ans m’a appris à encaisser et à en rire plutôt qu’à en pleurer. Je ne réponds jamais individuellement, je réponds publiquement, afin que chacun aie le même quota d’informations.

Libre ensuite d’en déduire ce que vous voudrez.

Merci de m’avoir identifiée dans vos publications, je n’ai pas pu toutes les lire mais les commentaires que j’ai vu passer, ont enrichi le débat, l’ont rendu certes véhément mais lui ont donné de la consistance.

Venons-en au fait. Il y a tout de même une certaine hypocrisie qui entoure le sujet du retour au pays. Des centaines de personnes issues de la diaspora ne reviennent jamais, vous y avez vos oncles, j’y ai des tantes, ils y ont des frères, etc. Pourquoi faire mine de descendre de son nuage et prétendre que c’est mon article qui a révélé cet état de fait et que vous n’étiez au courant de rien ? Si le mot « diaspora » existe, c’est bien pour une raison. C’est pour qualifier les personnes qui restent à l’étranger, qui y vivent après avoir émigré. Il y a un certain politiquement – et hypocritement – correct, qui empêche de le dire publiquement cependant.

C’est quelque chose qu’il faut cacher. Dire « je ne reviendrai pas tout de suite » est un péché, un crime de lèse-majesté. On peut le faire, mais n’allez pas le dire au risque de se voir livré à  la vindicte populaire. Mon billet tranche dans le vif et nage à contre-courant du discours habituel louant la tendance au retour : celui-ci est toujours envisagé d’un point de vue positif. Rarement en évoquant les freins d’un retour réussi. On omet les personnes qui hésitent, celles qui ne veulent pas revenir et celles qui repartent après une expérience négative.

Après la publication de mon billet, deux camps se sont formés : ceux qui s’y reconnaissent et ceux qui estiment que c’est un désengagement, un déshonneur, un manque de patriotisme, etc. Heureusement, des feedbacks que j’en ai, les premiers sont plus nombreux. Ceci dit, j’aimerais bien savoir en quoi il y a là un manque de courage et de patriotisme ?

Le danger voyez-vous, c’est de lier le patriotisme et l’amour de son pays à un hypothétique retour. C’est complètement farfelu.  Il ne suffit pas d’être en Guinée pour être acteur de son développement. Ceux qui pensent de la sorte et veulent l’imposer aux autres sont ceux-là même qui ont des opinions toutes faites et caricaturales, complètement en déphasage avec les besoins actuels du pays.

Peut-on quantifier le nombre de jeunes gens qui de leurs pays d’accueil, ont activement participé à des initiatives novatrices, à fort impact en Guinée, et qui sont à la source de flux financiers essentiels pour l’économie ? En ce qui me concerne, entre 2014 et 2016 j’ai été nettement plus efficace de là où je vis, que si je n’avais été en Guinée. J’ai participé à diverses initiatives et initié certaines. Je ne sais pas si j’aurais pu faire la même chose depuis la Guinée, avec le contexte socio-politique qui prévaut.

Alors posons là nos valises d’idées pré-conçues,  la distance devient un concept de plus en plus vaporeux avec l’avènement des NTIC et ce don d’ubiquité qu’elles offrent.

Les parcours/aspirations des gens étant ce qu’ils sont, c’est on ne peut plus diabolique de faire ce chantage affectif aux uns et aux autres : « si vous ne rentrez pas, c’est que vous n’aimez pas votre pays ». Et quoi qu’on en dise, il faut aussi une dose de courage pour admettre que son retour est impossible dans l’immédiat pour X raisons.  Et qu’on ne vous fasse pas croire – bien à tord -, que c’est vivre en Occident qui est « choisir la voie facile ».

J’estime quelque part, qu’il y a tout de même eu une surinterprétation de mes propos en me faisant dire des choses que je n’ai pas dites. Afin de me faire culpabiliser de mon choix sans doute. De nombreuses personnes se sont demandées si j’avais déjà vécu en Guinée en y travaillant et si c’était suite à cela que je décidais de ne pas rester. Il n’en est rien, j’ai travaillé de courtes périodes en Guinée puis à distance mais je suis encore officiellement étudiante et je ne suis officiellement jamais rentrée. C’est la somme des perceptions que j’ai eues et du vécu des autres qui m’ont fait rédiger le billet précédent.

Par ailleurs, à aucun moment de mon article j’ai dit que je ne rentrerais jamais, mais que je ne l’envisageais pas dans l’immédiat.

J’ai lu quelque part que j’étais en quête de buzz puis que j’avais alors la prétention de parler au nom de la diaspora. C’est bien là un procès inique et signe de mauvaise foi car si vous ne l’aviez pas remarqué nous sommes sur dieretoudiallo.com. Nous sommes sur ma plateforme, vous êtes venus à moi me lire et je m’exprime en mon nom uniquement, c’est bien suffisant.

S’il y a bien une chose qui découle de mon billet, c’est que la plupart des personnes issues de la diaspora s’y retrouvent tandis que ceux vivant en Guinée estiment que quelque part dans mes lignes (il faudra me montrer où) je les ai pris de haut ou ai été prétentieuse pour avoir eu l’audace d’aspirer à mieux.

Donc au nom de l’amour de notre pays, nous n’avons plus le droit de vouloir de meilleures conditions pour nous ? Ma foi, voici un raisonnement bien tordu.

Tout ça a quelque chose de tellement grisant, et la plupart des diaspos qui disent qu’il faut rentrer – et que je suis une délurée – le font depuis le Canada, la France, les USA, le Sénégal, le Maroc, etc, d’où ils vivent depuis des lustres. Ils ont bientôt la quarantaine, s’appellent encore « jeunes » et ont le même refrain : « On va rentrer développer le pays »Ma question est quand ? Lorsque vous serez vieux et bien entendu encore très dynamiques ?

Pourquoi se mentir de la sorte ?

Ils se sont réinscrits une centaine de fois à l’université pour bénéficier du titre de séjour étudiant, afin de prolonger leur séjour en terre d’accueil. Certains ont un statut « nouveau salarié » et se plaisent bien dans leurs petites vies à l’étranger mais il faut tout de même continuer à dire, « on va rentrer », ça fait plus joli même si c’est faux, même si ça sonne creux. Ils attendent ici et là (je ne sais quoi), s’engraissent, profitent d’un système sur lequel ils se plaisent à cracher et ont des discours nationalistes et moralisateurs sur Facebook. Mes frères, pourquoi autant d’hypocrisie ?

Pourquoi faire passer les Guinéens qui ne veulent pas rentrer pour des Guinéens de seconde zone ? Cela fait-il bien sentir que l’on a endossé une cape de super-héros lorsqu’on a réussi son retour ? C’est d’abord un choix individuel, personnel et de vie. Dans ce domaine, un sacrifice ne s’exige pas aux gens, c’est bien en cela qu’on le reconnaît.  La priorité n’est pas que l’on se regroupe tous en Guinée comme du bétail, mais que nous nous voyions en frères déjà – que la politique et l’ethnie ne nous divisent point – et que nous nous épaulions peu importe où nous habitons. Ne serait-ce pas déjà un pas énorme dans la construction de la Guinée ?

Quelqu’un m’a fait remarquer que j’étais beaucoup dans la critique dans mes billets. C’est sans doute vrai, je suis dans cette posture parce qu’il est important de poser un vrai et réel diagnostic du mal guinéen avant d’essayer de résoudre quoi que ce soit. Ce que j’ai décrit dans l’article précédent, n’est pas sorti de la mythologie grecque, beaucoup de Guinéens l’ont vécu et continuent à le vivre. En quoi reconnaître que cela arrive vraiment est « ne pas aimer son pays » ?  En quoi pointer les tares de l’administration de son pays entres autres, est-il un comportement anti-citoyen ? Il faudra m’expliquer.

Bien au contraire, mon rôle en tant qu’activiste est de dénoncer et d’essayer de conscientiser. Je mène ma lutte à ma manière et n’y changerai rien pour les beaux yeux de personne. Ne vous en déplaise.

Lorsqu’on aura dit tout ce qui cloche, lorsqu’on aura mis au jour les déviances les plus abyssales, alors à ce moment là, nous pourrons envisager une guérison.  Puis à un moment, il faudra me montrer la différence entre mon billet et les longs posts Facebook dans lesquels vous êtes souvent plus venimeux que moi contre le système.

Il y a des retours réussis, tant mieux. Certains pensent que l’entreprenariat est la meilleure façon de revenir au pays. Pourquoi pas? Mais tout le monde doit-il/peut-il être entrepreneur ?

Est-ce pour cela que nous ne sommes plus en droit de demander de meilleures conditions de retour à l’Etat ? Ceux qui sont arrivés pourraient aménager le terrain pour les suivants, pour les plus jeunes, afin que le processus soit tout de suite automatique. Je n’y vois rien d’utopique. Mais il y a un certain égoïsme latent qui veut que tout le monde passe par les mêmes galères et les mêmes aléas qu’on a connu soi. C’est cela « être patriote » pour certains. On aura beau imposer le retour, le forcer, ou essayer de couvrir de honte ceux qui assument clairement qu’ils ne reviendront pas (du moins pas tout de suite), cela aura plus d’impact, lorsque ça viendra des personnes elles-mêmes. Il est temps d’enlever les œillères.

Les caractères, les rythmes et les parcours sont différents, pourquoi vouloir guillotiner ceux qui ne sont pas prêts ? Au nom de quoi s’arroger ce droit d’imposer sa façon de voir à tous ?

Il y a aussi un préjugé tenace qui veut que « vivre chez les gens n’est jamais satisfaisant et qu’on sera toujours traité comme une sous-merde et un moins que rien ». Vous conviendrez avec moi qu’il s’agit là d’un raccourci bien trop facile. Certes vivre à l’étranger n’est pas chose aisée, mais il y a des systèmes et des pays qui intègrent très bien leurs étrangers. C’est le cas du Canada, du Royaume-Uni, etc. Il y a de nombreuses personnes qui s’y épanouissent sans problèmes. Sortons de nos visions étriquées, de la promptitude à la réinterprétation.

Ceux qui souhaitent revenir reviendront coûte que coûte, ceux qui ne veulent pas revenir n’ont pas besoin de trouver des prétextes dans mon billet. Ils ne reviendront pas. Mon article et moi même n’avons pas le pouvoir de faire changer des avis, ou d’influencer des comportements. Tout juste de faire réfléchir ceux qui le veulent.

Je suis néanmoins entièrement d’avis que personne ne viendra changer la Guinée à notre place. Il y a juste que certains le font sur place et d’autres le font de là où ils sont et certains ne font absolument rien. Et trop souvent, ce sont bien ces derniers qui ont le jugement facile.

Dieu bénisse tous les Guinéens

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