Depuis quelques temps, on assiste à un revirement de situation. Du moins à une tentative de réappropriation de l’espace politique guinéen par des jeunes qui affirment vouloir, renouveler la classe de dirigeants. Ils veulent investir les mairies, les quartiers, etc. Ne dit-on pas qu’un système se reformate par le bas ? Ces jeunes guinéens, nombreux à se présenter en candidats indépendants aux élections communales l’ont semble-t-il, bien compris.

Les politiques guinéens (autant opposition que mouvance présidentielle) ont au fil des années, perdu tout crédit auprès des populations qui ne voient en eux que des mentalités caduques, en déphasage avec les besoins actuels, mais surtout comme des nids de corruption et de manipulation. Depuis deux mois environ, un nouveau spectacle se dessine sur la scène politique. Soutenus par un récent mouvement proposant des listes indépendantes, de nombreux jeunes guinéens se sont enhardis.  Ils vont à la croisée des communes, sous aucune bannière politique et veulent qu’on leur fasse confiance.

Ils sont neufs pour la plupart, n’ont jamais servi en politique et le créneau vendu est : « nous sommes jeunes comme vous, nous savons à quoi vous aspirez, votez pour des gens comme vous et départissez-vous de ces partis politiques pourris jusqu’à l’os ».

Deux partis principaux notamment sont visés dans cette virulente campagne de dénigrement : le RPG (Rassemblement du peuple de Guinée) et l’UFDG (Union des forces démocratiques de Guinée) qui ont su cristalliser ces dernières années beaucoup de violences sur le territoire et de mécontentement. Fortement marqués de manière ethnique (peulh d’une part et malinké de l’autre), les jeunes n’en veulent plus. Le rejet est palpable, persistant. Plusieurs générations ne s’y reconnaissent plus. C’est un message fort envoyé à ces deux structures politiques.

Cette volonté des jeunes de participer à la vie politique guinéenne de façon plus  active est d’abord la conséquence de ce rejet.

C’est la matérialisation d’un raz-le-bol envers une élite nauséabonde, envers des aînés qui ne donnent nullement l’exemple.

Si ce sursaut, cette envie de se prendre en charge sont à louer, la manière n’y est pas totalement encore et l’initiative risque de montrer assez vite ses limites notamment dans son organisation. Beaucoup de questions subsistent, un voile d’opacité auquel se raccrochent les plus hésitants. Qui sont ces jeunes ? D’où viennent-ils ? Qui les finance ?

Puis la question – et non la moindre –  est de savoir si toute personne désireuse de révolution, doit-elle/peut-elle prétendre à une commune au nom de sa jeunesse ? Environ 70% de la population guinéenne a moins de 50 ans, la jeunesse est donc devenue un argument de campagne solide. Le slogan du moment est : « un jeune, une commune ». On a tôt fait de procéder à l’amalgame jeune = moderne = forcément compétent = dynamique, etc.

Sauf que, ce n’est pas toujours vrai et nous le savons tous. Si nous avons au sein de notre jeunesse, de nombreuses pépites d’intelligence et de savoir-faire mais aussi de courage et d’abnégation, la majorité reste encore à former. Nous ne supportons pas de nous remettre en question, pourtant nous avons de nombreuses lacunes notamment dans l’éducation. Compte-t-on encore les nombreux diplômés qui ne peuvent tenir un discours cohérent sans fautes ?  De technocrates à la technique obsolète ?

Encore, faudrait-il mieux définir les contours du mot « Jeunesse ». Ce terme est devenu une espèce de fourre-tout. Tout le monde se réclame « jeune » quand bien même, la quarantaine a bien sonné. Qui sont les jeunes ? Quelle tranche d’âge est visée exactement ? Est-ce comme l’ONU l’entend ? Parce que si c’est le cas, « est jeune selon cette institution, toute personne dont l’âge est compris entre 15 et 24 ans. »

La mode des candidatures indépendantes a permis à plusieurs personnes qui nourrissaient des ambitions politiques sans savoir comment les exprimer, de les montrer au grand jour, sans avoir à justifier d’une quelconque compétence. A date, la CENI n’a encore entrepris aucune initiative pour encadrer cette procédure de candidatures. . La politique n’est pas censée être une activité de mode, une passade, la hype. On y vient lorsqu’on nourrit de grandes ambitions, et qu’on peut se donner les moyens de celles-ci.

Nous avons certes besoin de jeunes gens à l’image de la population guinéenne, mais nous voulons un minimum d’expériences (c’est une idée reçue de croire que jeune et expérience sont forcément antagonistes) mais aussi de COMPETENCES. C’est le mot-clé. Peu importe qui ravira le plus de communes, qu’ils soient vieux ou jeunes; s’ils sont ignares, nuls, médiocres, incompétents, le résultat sera le même.

On ne le dira jamais assez, nous devons cultiver la méritocratie en priorité. J’ai ouïdire sans pouvoir le vérifier, que des chanteurs s’étaient présenté pour remporter certaines communes, venant à la politique comme une fleur. Passant de la scène et des baffles de sonorisation au coin du quartier à l’arène politique comme on change de vernis sur un ongle. Si c’est avéré, cela ne crédibilise pas vraiment le mouvement ni tout cet entrain.

Comme de nombreux guinéens qui observent, je reste sceptique. Jeune ou non, seuls une vision à long terme, un projet de société cohérent doivent arracher nos votes.

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